Le choix du bateau

La décision est prise, vous allez changer de bateau. Le vôtre est trop petit - trop ancien - trop gros - trop gourmand - trop cher d'entretien - inadapté à votre projet de voyage (rayez les mentions inutiles). Vous l'avez mis en vente, et en attendant l'acheteur (de préférence généreux et fortuné) qui succombera au charme de la vieille coque, vous vous préparez à choisir la future merveille de vos nouveaux rêves.

Pour vous aider dans cette belle aventure et éviter qu'elle ne se reproduise tous les six mois ou un an, et pour éviter d'y dépenser plus que nécessaire, je vous livre ici mon expérience personnelle (7 bateaux en 40 ans). C'est pas de la science exacte, il y a surement à prendre et à laisser, vous prendrez ce qui vous convient en l'adaptant à votre cas personnel.

Une démarche rarement rationnelle

En bon cartésiens que nous nous flattons d'être, nous savons que le choix d'un bateau doit se faire à partir de critères explicites, organisés et hiérarchisés dans le cadre d'une démarche rationnelle. Comme toute démarche rationnelle (je pense donc je suis), elle se décrit en petits points a), b),...z), avec des passages obligatoires, des go-to et des exceptions, du genre :

  1. Définir le projet : où vais-je naviguer, avec qui, quel est mon budget investissement et mon budget exploitation, etc.

  2. En déduire des critères de choix du type de bateau, et hiérarchiser ces critères pour établir un cahier des charges.

  3. Sélectionner les types de bateau répondant au cahier des charges

  4. Enfin, trouver les bateaux (les instances des types dirait un informaticien) disponibles.

Oui, bon.... C'est beau l'esprit cartésien au travail, c'est recommandé au boulot, mais lorsqu'il s'agit de nos beaux jouets, les pratiques réelles sont beaucoup plus floues, voire même parfois franchement irrationnelles. Essayons quand même de mettre un peu d'ordre dans nos critères de choix.

Quel type de bateau, quels aménagements ?

En simplifiant, sept types de bateaux se partagent les faveurs des plaisanciers en eaux intérieures : les trawlers, les kotters, les vedettes hollandaises à cabine arrière, les vedettes à cockpit, les bateaux de canal en polyester, les luxemotors, la grande famille des ex-bateaux de transport à fond plat, le plus répandu étant le tjalk. Je n'évoque pas ici les anciens bateaux de service (remorqueurs, bateau de patrouille, etc.) réaménagés pour la plaisance, pas plus que les bateaux logement du genre Freycinet aménagée. Je n'évoque pas non plus certains bateaux traditionnels hollandais ou anglais (narrow-boats par ex.) peu répandus en France.

Les trawlers. Trawler signifie chalutier en anglais. Par extension, on désigne sous ce nom des bateaux de plaisance dont la forme de carène est inspirée de celle des petits chalutiers traditionnels des côtes américaines de l'Atlantique Nord. Un trawler bien conçu est un vrai bateau de mer à déplacement . Pour l'utiliser sur les canaux et rivière, on prendra garde à sélectionner une unité sans pont supérieur (flying-bridge) pour rester en dessous des 3m fatidiques de tirant d'air (voir ci-dessous le chapitre sur tirant d'eau et tirant d'air). Par ailleurs, la plupart des trawlers ont deux moteurs, solution que je n'aime pas du tout (avis personnel bien sur !) pour les raisons que j'explique plus loin.

Un joli trawler : le Bora 43 du chantier Pedro. Un peu haut pour nos canaux anciens malheureusement.

Les trawlers "semi-planants"

Il s'agit d'une version modernisée des trawlers traditionnels. Équipés d'un moteur puissant, ils peuvent naviguer aux alentours de 15 nœuds en mer. Ils peuvent aussi (heureusement !) naviguer au ralenti vers 7 nœuds sur les voies d'eau intérieures. Un au moins, très répandu, se prête bien à la navigation mixte, mer et rivière. Il s'agit du Swift Trawler 34 Sedan (sans Flying Bridge) de Bénéteau. Il y en a surement d'autres dans le même esprit.

Les kotters. Très répandus en Hollande, ils sont conçus pour la navigation côtière (mer du Nord, Baltique) et pour la navigation fluviale dans les grands estuaires du Nord de l'Europe. Robustes, marins, certains d'entre eux sont assez mal adaptés à la navigation sur les "petits" canaux du fait de leur tirant d'eau et tirant d'air. De plus, bon nombre d'entre eux n'ont pas de portes latérales de timonerie et ont donc une accessibilité peu pratique pour les manœuvres d'écluse (voir sur ce point les explications dans la section sur les vedettes hollandaise AK). Notez que tous les bateaux à moteur roulent beaucoup dès que la mer n'est pas plate. La bonne solution, économique et efficace, est d'équiper le bateau d'un petit mat et d'une voile d'appui. Certains kotters ont un vrai mat d'une dizaine de mètres de hauteur et sont donc de véritables voiliers à moteur (motorsailers). Lorsque l'on achète un kotter avec l'intention de l'utiliser souvent sur les canaux, il faut vérifier que le mat peut être facilement couché et remis en place.

Un kotter hollandais

Les vedettes hollandaises à cabine arrière (aft cabin en anglais, Achterkajuit en néerlandais, abréviation dans les annonces : AK) sont les bateaux privés plus répandus sur les fleuves et canaux européens. Elles offrent une habitabilité importante par mètre de coque, ce qui est la raison de leur succès. Bon nombre d'entre elles révèlent quelques vrais inconvénients à l'usage :

    • Certaines n'ont qu'un poste de conduite extérieur sur le pont arrière. Pendant le plein été, conduire en plein soleil ou à l'ombre d'un cabriolet en toile (souvent bleu marine !) est pénible. A la mauvaise saison, la conduite au froid et à l'humidité est rebutante et conduit nombre de propriétaires à renoncer à naviguer entre octobre et mai. De plus, le cabriolet en toile est souvent trop haut pour passer sous les ponts de nos canaux. On le replie, et on se retrouve en plein cagna ou sous la pluie, qui en plus tombe dans la cabine par le capot de descente.

    • De nombreuses vedettes hollandaises n'ont pas de portes latérales de timonerie. La sortie se fait vers le pont arrière par une échelle de cinq ou six marches. Cela conduit à une accessibilité très insuffisante lorsque l'on conduit à l'intérieur, rendant difficiles les manœuvres d'écluse, voire dangereuses en navigation solitaire.

    • L'espace intérieur est organisé en quatre grands volumes sur trois niveaux : cabine arrière avec sur les plus grosses unités un cabinet de toilette, salon - timonerie au centre, salon et coin-cuisine en descendant vers l'avant, et enfin cabine avant avec parfois un second cabinet de toilette tout à fait vers l'avant. Le passage d'un niveau à l'autre se fait par des échelles de quatre ou cinq marches. Passé la soixantaine, et après trois mois à bord, on se prend à regretter de ne pas avoir un bateau de plein-pied !

    • La plupart des vedettes hollandaises à coque ronde ou à trois bouchains (multivlet) sont inaptes à une véritable navigation maritime. Seules quelques modèles modernes ont un dessin de carène leur permettant sans risque de passer un gros clapot ou dans une mer un peu formée.

Une vedette hollandaise à cabine arrière moderne : Linssen Grand Sturdy

Les vedettes à cockpit arrière (open cockpit ou aft cockpit en anglais, Open Kuip ou OK sur les annonces hollandaises), ne posent pas les problèmes d'accessibilité dont souffrent les AK. Plus basses, elles accèdent à tous nos petits canaux. Moins d'échelles à gravir, une sortie facile sur le cockpit et de là vers les passavants, une bonne visibilité extérieure depuis le salon-timonerie, elles seraient parfaites, si toutes ces qualités ne se payaient par une habitabilité bien moindre que sur une AK à longueur de coque, déplacement et budget égaux. La majorité des plaisanciers veulent naviguer en famille ou avec des amis et préfèrent les deux cabines bien séparées d'une AK.

Une belle vedette à cockpit adaptée à la navigation mixte (Barkas 1200)

Les bateaux de canal en polyester sont ceux proposés par les loueurs. Certains particuliers les rachètent d'occasion et les font rénover. Ils offrent une habitabilité maximale par mètre de coque, des aménagements souvent bien pensés pour la croisière familiale paisible. Ils sont tout à fait inaptes à toute navigation maritime, et même à la navigation sur les fleuves (Seine, Rhône, Rhin, Loire).

Un bateau de canal : pénichette 935 de location

Les luxemotors sont des bateaux traditionnels de plaisance, construits entre 1915 et 1930, encore assez répandus de nos jours. A part leur "look" sympathique, il n'ont pas grand chose pour eux du point de vue qualité nautique ou qualité de vie. Toute la partie habitable est "dans la cale", souvent très peu lumineuse, sans vision sur l'environnement extérieur. Certaines unités toutefois ont des superstructures équipées de fenêtres donnant de la lumière dans la partie habitable, malheureusement au détriment de l'esthétique du navire. Le poste de conduite sous marquise est parfois exigu. Les luxemotors ont des coques longues et étroites, efficaces du point de vue hydrodynamique. Un petit moteur de 50 à 60cv suffit pour faire avancer un luxemotor de 18 à 24m à 6 ou 7 nœuds.

Un petit luxemotor typique bien sympathique

Les tjalks ("sabots" en français") et autres bateaux traditionnels à fond plat sont souvent choisis pas ceux qui veulent un bateau spacieux, destiné à être utilisé comme logement permanent ou semi-permanent, et qui en même temps souhaitent pouvoir naviguer sur les rivières et canaux. La version traditionnelle est équipée de dérives latérales extérieures et d'une voilure aurique. Là encore, la partie habitable est "dans la cale", sans vue extérieure si ce n'est par quelques hublots, sauf aménagement de superstructures ad hoc. Ces bateaux offrent un très grand volume habitable pour une longueur donnée de coque. Même si les hollandais n'hésitaient pas à les utiliser pour le transport sur leurs grands estuaires ou sur l'IJsselmeer, ces bateaux à fond plat ne sont tout même pas taillés pour aller en mer ouverte. De plus, ils sont incapables de remonter les grands fleuves à fort courant (Rhône, Loire, Rhin, etc.).

Un très joli tjalk aménagé pour la plaisance

Un grand nombre de bateaux de plaisance souffrent en outre d'un défaut, et ce quelque soit leur type : une mauvaise accessibilité au moteur pour l'entretien ou les réparations, sans même parler du changement de moteur. C'est un point à surveiller lors du choix d'une unité. Aucune n'est parfaite, certaines sont à ce point de vue franchement mauvaises : par exemple obligation de découper à la torche plasma tout le toit de la timonerie (puis de le ressouder après intervention) pour envisager d'extraire le moteur. Quand en plus la timonerie abrite un beau salon avec menuiseries en bois précieux, je vous laisse imaginer le chantier !

Aucun type de bateau n'est "le meilleur" dans l'absolu. Un bateau est toujours un compromis entre des exigences contradictoires. En revanche, il ne faut pas demander à un type de bateau ce qu'il est bien incapable d'offrir, ayant été conçu pour un tout autre usage.

Quelle taille ?

Vouloir un grand bateau, plus grand que nécessaire, est une erreur typique des plaisanciers débutants. Le volume d'un bateau doit être proportionné au nombre de personnes qui vivront à bord, et à la durée prévisible des séjours. Pour fixer les idées, une vedette à moteur de 10 mètres sera probablement agréable pour une famille de 2 adultes + 2 enfants pour une durée maxi de deux ou trois semaines d'été. Quoique prétendent les superbes dépliants commerciaux des constructeurs, un bateau équipé de six couchettes sera invivable si l'on tente d'y fourrer réellement six personnes pendant plus de 24 heures. Transformer les banquettes du salon et de la timonerie en lits à grand coup de tables coulissantes ou de panneaux posés entre banquettes est un "jeu" très vite insupportable.

Il sera peut-être possible d'aménager ce bateau pour le séjour à bord d'un couple sans enfant pendant plusieurs mois, mais attention, séjourner quatre à six mois à bord (avec de nombreuses escales bien entendu) implique un volume de vêtements, de literie, de provisions diverses sans commune mesure avec les besoins d'une petite croisière estivale. En particulier, la navigation en saison froide nécessite de caser un volume impressionnant de vêtements chauds, de couvertures ou couettes, etc.

Le petit tableau ci-dessous résume ma petite expérience de l'habitabilité réelle des bateaux à moteur utilisés en croisière mixte, fluviale et côtière dans de bonnes conditions de confort :

N'oubliez pas : tout mètre supplémentaire coûte cher : places de port plus rares et plus chères, moteur plus puissant et plus gourmand, coque plus fastidieuse et fatiguante à gratter, nettoyer et peindre si vous faites le travail vous-même. Le bateau idéal doit avoir la bonne taille, mais pas plus. De plus, si vous voulez éviter de nombreuses contraintes administratives et réglementaires, et/ou si vous voulez naviguer sur le Rhin (qui a une réglementation particulière), il est très préférable de se limiter à un bateau d'une longueur inférieure à 15m.

Quelle type de coque ?

En simplifiant un peu, les bateaux à moteur se répartissent entre trois types de coques : les catamarans à moteur, les monocoques à carène planante ou semi-planante et les monocoques à déplacement.


Les catamarans à moteur

Ils sont surement très rapides et spacieux, mais les belles unités peuvent être limitées dans leur choix de croisières fluviales : un 37 pieds comme celui photographié ci-dessus passe dans le gabarit Freycinet, mais n'entre pas dans les écluses des petits canaux bretons limitées à 4,70m de large. Même en croisière côtière, de nombreux petits ports ne peuvent pas accueillir les "catas" sur ponton. Il est vrai que la facilité d'échouage facilite les mouillages forains... En tout cas, c'est un bateau très typé, destiné plutôt à un projet hauturier, me semble-t-il. Je manque totalement d'expérience avec ces bateaux, d'autres plus compétents pourront peut-être compléter ou modifier ces lignes.

Les vedettes planantes et semi-planantes

Une vedette "planante" est capable de déjauger, c'est à dire de soulever une partie de la carène hors de l'eau. Lorsqu'il déjauge, ce n'est plus la poussée d'Archimède qui supporte le bateau, mais la surface de l'eau sur laquelle il plane.

Le déjaugeage requiert beaucoup de puissance: la carène se cabre afin de monter par dessus sa vague d'étrave, il faut donc assez d'énergie pour soulever en partie le bateau hors de l'eau. Une fois le bateau déjaugé, la puissance requise est diminuée pour maintenir l'allure du fait de la réduction de résistance. En effet la surface mouillée est réduite au "patin" que forme le fond du bateau. Une vedette semi-planante est une planante un peu lourde et/ou dont le moteur un peu faiblard est insuffisant pour sortir complètement l'avant coque hors de l'eau. Planantes ou semi-planantes, ce sont les vedettes de plaisance les plus répandues. Notons que les bateaux pèche-promenade modernes (genre Merry Fisher ou Antares) ont des carènes planantes.

Tous ces bateaux sont rapides, voire très rapides, très gourmands en gazole. A titre d'exemple, un Bénéteau Antarés de 11m, équipé de deux moteurs de 160cv, consomme 50 litres à l'heure (vitesse de croisière déjaugé). Le nouvel Antares 12 Cruising avec deux moteurs de 370cv consomme 100 à 110 litres/heure. Bien adaptées aux sorties à la journée (pèche, baignade, frime à l'état pur), ces bateaux sont en revanche inadaptés à la vraie croisière. On peut tenter de tricher et les utiliser en grande croisière avec les moteurs à bas régime, pour tenter de diminuer la facture gazole et/ou de respecter les vitesses limites en navigation fluviale. Malheureusement, un moteur de 300 ou 400 cv conçu pour tourner à 2500 tours a un rendement épouvantable si on l'utilise pendant des dizaines d'heures au ralenti à 1000 tours. En plus il s'encrasse (dépôt de carbone dans les hauts de cylindres), cela commence par l'émission de gros nuages de fumée noire à chaque accélération, provoque une usure prématurée du moteur, et finit tôt ou tard par des petits problèmes au niveau de la pompe à injection ou des injecteurs, et par une facture subséquente et conséquente chez l'homme de l'art.

Sur les "trawlers semi-planants", on peut monter divers types de réducteurs débrayables sur la ligne d'arbre (trolling valve) pour permettre au moteur de tourner à un régime satisfaisant lorsque l'on souhaite croiser à petite vitesse.

Les bateaux à déplacement

Ils peuvent avoir des formes de carène très différentes. Ils ont tous en commun de ne pas tenter de dépasser leur vitesse critique de carène : la coque ne se soulève pas partiellement hors de l'eau lorsqu'on accélère. En fait, il y a deux façons de créer un bateau de croisière à déplacement.

  • L'architecte peut partir d'une carène théoriquement planante (fonds très plats, pas de voute, tableau arrière droit) et lui mettre un tout petit moteur bien incapable de la faire déjauger. C'est le principe des "vedettes hollandaises" (Pedro, Linsen, Aquanaut, Palma, etc.). Il conçoit une coque en acier, très solide et relativement lourde, et lui donne des formes typiques d'une carène planante : fond plat pour minimiser le tirant d'eau, grande cabine arrière qui conduit à des formes carrées, larges, sans voute. On équipe cette coque d'un moteur économique de 50 à 75 chevaux, voire 110 cv sur une grosse de 12m. La bête avancera tranquillement à cinq ou six nœuds en eau calme, le moteur étant à son régime croisière normal. Avantages : le bateau offre un volume habitable optimum par rapport à la longueur de coque. Le faible tirant d'eau donne accès aux canaux bretons et autres voies d'eau impraticables aux vrais gros bateaux. Le budget gazole devient à peu près raisonnable, de l'ordre de 6 à 8 litres/heure pour une hollandaise de 12m. Inconvénients : la carène déplace avec elle une masse d'eau importante qui se traduit par un fort batillage, et par un rendement énergétique global mauvais. Le bateau a une forme arrière massive, style coffre-fort flottant.

  • On peut tout au contraire concevoir une vraie coque à déplacement qui optimise le rendement énergétique en récupérant l'énergie de la vague d'étrave soit par une longue voute arrière (principe des "jupes" des voiliers de course), soit par un arrière pincé, type canoé canadien ou "norvégien". Avantages : vous consommez moins de gazole pour le même déplacement de navire et la même vitesse, et le bateau ne soulève pas ou peu de vagues (moins de batillage). Un beau kotter de 12m (voir photo) avec un moteur de 100cv consomme environ 6 litres/heure en croisière. Inconvénient : le bateau perd beaucoup de volume habitable pour la même longueur de coque.

La poupe d'une "vraie" carène à déplacement, ici un "kotter".

Une belle hollandaise moderne. Arrière large, tableau droit, grande cabine, et piètre rendement.

Comme le rappelle fort bien J.P. Lamotte dans la belle page web qu'il consacre à la vitesse critique, les bateaux traditionnels un peu anciens (remorqueurs, chalutiers, luxmotors hollandais) avaient tous une longue voute arrière inclinée, très efficace pour récupérer l'énergie de la vague d'étrave. Les bateaux modernes ont gagné en habitabilité mais ont perdu en rendement énergétique.

Bateau fluvial ou bateau mixte ?

Autre critère de choix : voulez-vous un bateau fluvial avec de larges ouvertures vitrées, un pont solarium... et un fardage important, ou au contraire un bateau marin conçu pour résister aux vagues par force 5 à 6, avec de petites ouvertures faciles à obturer? Voulez-vous un bateau avec un vaste pont arrière faisant espace de vie, pensé pour la vie en plein air l'été dans les zones tempérées, ou un bateau plus clos, intime, avec un vaste salon intérieur et peu ou pas d'espace extérieur pour le farniente ? Naviguez vous seulement l'été ou aussi en hiver, par temps de pluie, de brume ou de froid ?

Certains types de bateaux sont tout à fait inaptes à la croisière mixte (voir la première section de cet article). Dans d'autres types, les vedettes hollandaises à cabine arrière par exemple, il faut regarder au cas par cas, on trouve des modèles exclusivement fluviaux ou mixte :

Vedette Aquanaut homologuée en catégorie B (3eme catégorie maritime en France).

Une hollandaise 100% fluviale. Pas question d'aller sur l'eau salée avec ce salon flottant, par ailleurs très confortable et luxueux.

La motorisation

A noter : un moteur marin diesel moderne consomme 200 g/kW/h pour les plus efficaces, et jusqu'à 290 g/kW/h pour les moins efficaces.

Prenons une valeur moyenne de 220 g/kW/h. Un moteur a en général et approximativement son couple maxi au 3/5 de sa puissance maxi (voir la courbe de puissance pour chaque moteur). Donc si un bateau est bien conçu (moteur bien adapté), et qu'il est équipé d'un moteur de 100cv (soit 73.5 kW), à sa vitesse de croisière il consomme environ 100 * 3/5 * 220 * 0.735 = 9700 grammes de gazole, soit à peu près 10 litres/heure. Bien évidemment, au ralenti sur un canal il consommera sensiblement moins : en appliquant la même formule, on voit que le même bateau utilisé au 2/5 de sa puissance maxi consomme 6,5l, ce qui correspond bien à ce que l'on observe avec un bateau d'une douzaine de mètres équipé d'un moteur d'environ 100cv.

Exercice pratique: Nous faisons de vraies croisières et nous naviguons 250 à 300 heures par an (trois à quatre mois). Notre bateau destiné à un couple fera environ 11m de longueur. Il aura deux cabines (en plus du salon) et un vrai cabinet de toilette avec douche. Nous avons bien entendu décidé que notre bateau sera "à déplacement", et dans mon cas, sera mixte, fluvial et maritime. Quelle doit être la motorisation ? Un ou deux moteurs ? 100cv ou 400cv ?

Tout d'abord, évacuons une option inadaptée : en aucun cas un croiseur ne devrait être équipé d'un moteur avec une embase en Z. Laissons cela aux petits bateaux rapides qui naviguent quelques heures par an... Seule la ligne d'arbre classique, avec une cage d'hélice ou un étambot protégeant le safran et l'hélice nous offrira une fiabilité et une robustesse acceptables.

Un ou deux moteurs ? Le choix entre un ou deux moteurs est pour moi très simple : deux moteurs (et bien sur deux arbres, deux presse-étoupes, deux hélices,..) = deux sources d'ennuis, deux sources de dépenses, deux fois plus d'entretien, deux fois plus de pièces détachées, etc. Tous les chalutiers traditionnels de petite taille (jusqu'à 25m) ont un seul moteur et s'en trouvent fort bien. Quand à l'argument sécurité, il me laisse dubitatif. Un moteur de bonne qualité bien entretenu (vraiment bien entretenu, nous reviendrons sur ce que cela implique dans un autre article) ne vous laissera jamais en plan. Deux moteurs mal entretenus peuvent très bien s'arrêter ensemble : ils ont le même réservoir de gazole (risques de bactéries, eau,..), les mêmes groupes de batteries. Je ne vois aucun intérêt réel à avoir deux moteurs sur une coque à déplacement de moins de quinze mètres. C'est mon avis, je le partage, tout en sachant que de nombreux propriétaires préfèrent 2 moteurs pour le sentiment psychologique de sécurité que cela offre.

En revanche, je concède volontiers qu'un bateau équipé d'un seul moteur sera plus agréable et facile à manoeuvrer dans les écluses et les ports s'il est doté d'un propulseur d'étrave. Ce n'est pas indispensable, mais quand on y a gouté, on ne s'en passe plus...

Quelle puissance ? Pour pouvoir remonter le Rhin, le Rhône ou la Loire, il faut pouvoir naviguer à environ 8 noeuds, ce qui est un peu inférieur à la vitesse critique d'une vedette de 12m50, 13 tonnes de déplacement lège, telle que l'Aquanaut illustrée ci-dessus (9 noeuds de vitesse critique, 7 noeuds croisière). Quelle puissance est nécessaire pour cela, sachant que la vedette étant à déplacement, tout excédent de puissance sera dissipée en déplacement d'eau et en déformation élastique de la coque. La réponse empirique à cette question est donnée par les architectes navals qui ont accumulé les expériences. Dans notre exemple, il faut environ 50 KW (soit environ 68 cv) pour permettre à cette hollandaise de 12m50 d'atteindre sa vitesse critique en eau calme. Les architectes savent qu'en eau agitée, la résistance à l'avancement augmente. On peut admettre (approximation grossière, cela dépend fortement de la forme de carène et de la hauteur moyenne du clapot), qu'il faut 15 à 25% de puissance en plus pour atteindre la vitesse critique en eau agitée. Prévoyons en plus une marge de 25% pour que le moteur travaille au régime optimum, là ou le couple est maximum et la consommation par kW minimum. En raisonnant ainsi "à la louche", on admettra que le moteur idéal aura une puissance maximale double de celle nécessaire pour atteindre la vitesse critique en eau calme. Vous suivez ? La conclusion est qu'il est complètement inutile de mettre un moteur de plus de 130 à 140cv dans cette vedette. On remarquera (et ce n'est évidemment pas un hasard) que les motorsailers les plus prestigieux sont équipés de moteurs de 45 cv pour des déplacements de l'ordre de 7 tonnes (coques de 34 ou 35 pieds) et de moteurs de 80 ou 90 cv pour des déplacements de 12 tonnes (coques de 40 à 42 pieds).

En pratique, un beau bateau de croisière fluvio-maritime aura environ 80 à 100cv pour 10m de coque, 8 à 10 tonnes de déplacement lège, et environ 120 à 150cv pour une coque de 12m déplaçant environ 14 tonnes. Si l'on vous propose 2 fois 250 cv, fuyez ! (sauf à ne naviguer que 10 heures par an comme c'est le cas pour la plupart des beaux yachts dans les ports méditéranéens).

Enfin, il est admis que les moteurs atmosphériques à régime lent vivent plus vieux que les moteurs turbocompressés à régime rapide, mais qu'ils consomment un peu plus. On ne peut pas tout avoir! Sachez aussi qu'un bon gros diesel de grande marque (Volvo, Mitsubishi, Perkins, etc.) bien entretenu a une espérance de vie d'au moins 8000 à 10.000 heures, beaucoup plus que ce que vous ferez avec votre bateau.

Pour finir sur la motorisation, n'oubliez pas de vérifier que le beau bateau qui vous fait envie dispose d'un (ou plusieurs) réservoir de gazole donnant une autonomie suffisante pour la croisière, soit une centaine d'heures moteurs au minimum. Le calcul doit tenir compte du fait que 20% de la capacité du réservoir est inutilisable.

Quel tirant d'eau, quel tirant d'air ?

Si vous avez l'intention de croiser sur les petits canaux français (canaux du midi, du Centre, de Bourgogne, du Nivernais, bretons, etc.), il vous faut impérativement un bateau à faibles tirant d'eau (TE) et tirant d'air (TA). Attention les valeurs maximum "officielles" annoncées par VNF sont parfois fausses. Renseignez vous auprès de ceux qui pratiquent vraiment les voies d'eau qui vous intéressent.

En pratique, pour accéder à la plupart des petits canaux français, vous sélectionnerez un bateau dont le TE sera inférieur ou égal à 1,15m et le TA à 3,30m. Pour le TE, vous pouvez aller jusqu'à 1,25 grand maximum, mais ces dix centimètres de plus se feront sentir chaque fois que vous raclerez en tentant d'accoster "en sauvage" dans la nature sur un beau canal. Pour le TA, 3,30m est une limite absolue si vous voulez accéder aux canaux du Centre (Briare, Loire, Centre, Bourgogne, Nivernais,...)

Et tout le reste...

Pour tout le reste, il faut faire une check-list, et accepter de compléter et équiper son bateau petit à petit :

  • Confort : chauffage, eau chaude et froide sous pression, douche, plaque de cuisson, four, etc. Notez que le chauffage de l'eau, très agréable (une bonne douche chaude à bord est un plaisir royal après une journée de navigation en mer), peut être à gaz ou par échangeur de température chauffé par le moteur. A gaz, les bouteilles se vident rapidement. A échangeur, si l'on veut que 2 ou 3 personnes puissent se doucher, il faut un modèle à grosse inertie thermique, donc avec un gros ballon. Si vous le pouvez, installez les deux : chauffe-eau instantané à gaz pour la cuisine, et ballon à échangeur sur le circuit de refroidissement du moteur pour la douche.

  • Rangements : coffres, placards cuisine, salon et cabines, coffres de pont, soute à produits alimentaires, ... on manque toujours de rangements accessibles et secs.

  • Equipements de navigation : pilote automatique (pour la mer seulement), VHF, GPS, sondeur...

  • Armement : aussières, défenses, ancre et ligne de mouillage, guindeau (électrique si vous naviguez en croisière côtière), mouillage de secours, matériel de sécurité, gaffes, ...

  • Sécurité du navire : détecteur de gaz (compartiment des bouteilles de gaz), détecteur de fumée dans le compartiment moteur, alcootests pour le skipper, etc.

  • Autonomie : groupe electrogène, panneaux solaires, réservoirs de volume suffisant

Au sujet des réservoirs, en croisière d'été, la consommation d'eau douce sans rationnement mais sans gaspillage est d'au moins 25 litres par personne et par jour (cuisine, vaisselle, douches). Prévoir des réservoirs suffisant pour ne pas passer la croisière à faire des corvées d'eau. Mon nouveau bateau, utilisé par un couple, a une réserve de 500 litres soit 8 à 10 jours d'autonomie, les douches étant souvent prises dans les ports et les haltes nautiques.

Les idées reçues à prendre avec des pincettes...

Le choix d'un bateau c'est un coup de foudre.

Le choix d'une femme (un homme) aussi, et la moitié des couples divorcent...

Qui peut le plus peut le moins. Mon ami (voisin, collègue) a un SCHPOUTZ-36, il a traversé l'Atlantique. Moi je veux faire les côtes du Morbihan, le SCHPOUTZ-36 me conviendra donc très bien. Justement mon ami (voisin, collègue) met le sien en vente !

L'équipement TDM (circumnavigation) est en effet indispensable pour faire Lorient - Arzal. Après tout, la Teignouse vaut bien le Horn !

Il faut saisir une bonne affaire. Le BLONK-34 s'est vendu à des centaines d'exemplaires et me plait bien. Neuf, il vaut 210K€. Celui-ci d'occasion vaut 65K€, soit 20K€ de moins que la cote Argus du bateau. C'est donc une bonne affaire à saisir, j'achète.

Pour revendre trois mois plus tard au même prix... sauf crise économique entre temps !

Il faut se fier à l'avis d'autrui. Des dizaines de plaisanciers tous très expérimentés (ils ont tous fait de grandes traversées par force 9) se retrouvent sur le forum Tralalaïtou (le forum de la plaisance au grand large), presque tous disent du bien du MIAM-33. Ils ne peuvent pas tous se tromper et raconter des blagues quand même. Je sens que je vais craquer pour un MIAM-33.

Ben oui, mais le fil de conversation portait sur la transat en solitaire, et vous naviguez sur l'Yonne avec femme et enfants ?

Les courtiers (brokers en anglais) sont des parasites. Je suis bien capable de regarder les petites annonces sur le Web et de visiter les ports. Pas besoin de payer 8% de plus que nécessaire pour engraisser ces broqueurs.

Sans plaisanterie cette fois... Lors de ma dernière recherche de bateau (octobre 2008 à février 2009), j'ai consulté plus de 300 annonces en France, Hollande, Belgique, Allemagne et Grande-Bretagne. J'ai établi une liste d'une quinzaine de bateaux "à considérer". Sur ces quinze, 4 étaient vendus par leurs propriétaires, dix par des courtiers, et un par un notaire. Finalement les trois dont le rapport qualité / prix était le plus intéressant étaient proposés par des courtiers hollandais et anglais. Pour au moins un des courtiers hollandais, j'ai eu la sensation de recevoir un véritable service à valeur ajoutée : envoi d'une fiche de présentation factuelle du bateau extrêmement précise (allant jusqu'au modèle et numéro de série du moteur ) avec une soixantaine de photos, aide à la préparation du voyage de visite, demandes de devis dans plusieurs chantiers locaux pour la pose d'un équipement (alors que je n'avais encore rien signé), liste d'experts maritimes parlant anglais, proposition d'un contrat de vente en néerlandais et en anglais, rôle de tiers de confiance dans le transfert des fonds, etc.. Donc, selon mon expérience, un courtier professionnel qui fait bien son métier facilite grandement un achat à l'étranger.

Et pour finir... les bases de données européennes de bateaux à vendre :

www.botentekoop.nl

www.allboats.com

www.e-y-n.com

www.botenbank.nl

www.boatshop24.com

www.bootselect.nl

www.boten.be

www.apolloduck.com

www.boatshed.com

www.yachtworld.com

www.yachtfocus.com

Il y a bien sur beaucoup de redondance, les courtiers insérant leurs annonces dans plusieurs bases. Vous pouvez utiliser les outils linguistiques de Google pour traduire les pages en hollandais ou en d'autres langues que vous ne pratiquez pas suffisamment.